Le congé paternité, est-ce une réelle avancée ?
Le congé paternité, qui était de 14 jours, (11 jours plus 3 jours de congés de naissance obligatoire) passera dorénavant à 28 jours en juillet 2021.
Mais le saviez-vous? Le congé paternité n'a été instauré qu'en 2002 en France, pour pallier à de nombreux problèmes tels que le manque d’implication des pères dans l’éducation des enfants, ou encore l’inégalité professionnelle entre les hommes et les femmes. D'après L1225-35 du Code du travail, le père, le conjoint de la mère à travers un mariage, la personne liée à la mère par un Pacs, ou bien encore la personne vivant maritalement avec la mère en concubinage peuvent bénéficier de ce congé paternité après la naissance d'un bébé. Mais attention, le congé paternité doit être pris dans les quatre mois suivant la naissance de l'enfant et doit être notifié à l'employeur 1 mois à l'avance ! Sans quoi l'employeur peut refuser s'il n'a pas été prévenu à temps.
Alors que la France fait office de retardataire face aux autres pays européens, cette avancée pourrait tout de même permettre à de nombreux pères de vivre et profiter de nouveaux instants uniques avec leur nouvelle famille avec ces 14 petits jours de congés paternité en plus.
Aujourd'hui, on estime que 7 pères sur 10 bénéficient de leurs congés paternité, mais ces 14 jours étaient bien évidemment jugés trop courts pour découvrir leur nouveau rôle de père, profiter pleinement de leur nouveau né, mais aussi soulager leur compagne. Le congé paternité est bien souvent exclu pour certains, car il s'agit là d'un risque pour des pères avec une situation salariale instable. On estime que 80 % des salariés en CDI, et 88 % chez les fonctionnaires prennent prennent leurs congés paternité, contre 48 % chez les pères en CDD et 13 % dans la catégorie des demandeurs d’emploi.
Une commission d’experts, présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, a rendu un rapport "1000 premiers jours de l'enfant" au gouvernement le 8 septembre, expliquant ainsi les bénéfices d'allonger le congé paternité. Selon les experts, « il faut du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle de la part des parents pour qu’ils construisent avec leur bébé une relation harmonieuse », et recommandent ainsi de prolonger le congé paternité à neuf semaines.
Malgré cet allongement, le gouvernement français n'a pas suivi les préconisations de la commission d'experts; 28 jours contre 9 semaines, il y a là une grande différence. La Suède, premier pays au monde à avoir instauré le congé paternité en 1974, les parents ont le droit à 480 jours de congé, et sont payés à hauteur de 80% du salaire. Ils sont dans l'obligation de profiter d'au moins 60 jours chacun et peuvent se répartir les 360 restants comme ils le souhaitent. Plus proche de nous, l'Espagne a augmenté le nombre de semaines du congé paternité à 8 semaines, dont la moitié est obligatoire. Les 28 jours proposés par le gouvernement français semble alors bien dérisoires face à nos voisins européens...
Pour pallier à ce manque de semaines de congé paternité en France, certaines entreprises prennent les devants, comme L'Oréal qui accorde 6 semaines de congé paternité. Ou bien encore, Aviva, qui il y a 3 ans, a proposé des congés paternité de dix semaines. Au début de la mesure, 81% des pères prenaient ce congé, ils sont à présents 95% dans l'entreprise. Il ne s'agit là que de certains cas uniques, et malheureusement beaucoup de pères travaillant en CDD, en intérim, ou bien encore en recherche d'emploi ne peuvent se permettre de profiter de ces congés. Certains hommes peuvent craindre d’envoyer un mauvais signal à leur employeur. Cette mesure reste assez inégale entre hommes et femmes, car elle dépend aussi des situations sociales des parents, du bon vouloir de l'employeur, mais aussi et surtout de l'inégalité entre les congés maternité et paternité.
Ce doublement du nombre de jours de congé, qu'on peut finalement qualifier de petite avancée, va tout de même être bénéfique à certains foyers, en rééquilibrant le partage des tâches familiales et professionnelles, mais aussi en allégeant la charge mentale de leurs compagnes. Car on estime par exemple que la dépression post-partum en 10 et 15% des femmes après l'accouchement.
Mais cette allongement ne reste pas suffisant tant en terme d'égalité des droits entre femmes et hommes. L'Elysée argumente néanmoins en expliquant que les avancées se feront petit à petit : « Pour nous, l’obligation, c’est à la fois un enjeu de protection, mais aussi de justice sociale pour que le congé paternité soit bien accessible à tous, indépendamment de la nature du contrat de travail du deuxième parent »
En espérant que cet allongement pourra permettre de pousser la mesure encore plus loin d'ici quelques années : en rendant ce congé paternité obligatoire, et en l'allongeant plus, comme les 8 semaines de congé maternité qui sont obligatoires, permettant ainsi une égalité dans la vie professionnelle, mais aussi dans la vie de famille.
Crédit photo : @thezaibre